Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis lancent un programme de recherche scientifique dirigé par J.R.Oppenheimer destiné à mettre en œuvre une arme atomique. Les premiers essais d'armes nucléaires se déroulent à l'été 1945. Les scientifiques s'inquiètent des retombées radioactives non-évaluées de ces engins. Les bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki ont eu lieu les 6 et 9 août 1945 à l'initiative des États-Unis après que les dirigeants japonais eurent rejeté les conditions de l'ultimatum de Potsdam. C'est finalement le 14 août, suite à la destruction de ces deux villes, que le gouvernement japonais céda. La Seconde Guerre mondiale se conclut officiellement moins d'un mois plus tard par la signature de l'acte de capitulation du Japon le 2 septembre 1945. Ce sont les seuls bombardements nucléaires ayant jamais eu lieu. Si le nombre de personnes tuées par l'explosion, la chaleur, et l'incendie géant consécutifs est difficile à déterminer, les estimations avancent entre 100 000 et 250 000 victimes. |
Planches de Gen d'Hiroshima tome 1 par Keiji Nakazawa, 1973, version française. (Rappel : les mangas se lisent de droite à gauche et de haut en bas) |
L'imaginaire de la catastrophe est très présent dans la création nipponne. Au-delà des séismes et tempêtes diverses, les bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki de 1945 font partie de ces traumatismes. Le manga, le cinéma et le dessin animé, mais aussi le théâtre, la danse, le chant, les arts plastiques se sont inspirés d'Hiroshima. De nombreux poèmes classiques japonais (tanka et haïku) y renvoient. Dans Gen d'Hiroshima, Keiji Nakazawa, un survivant (« hibakusha »), évoque de manière autobiographique sa vie de 1945, depuis le jour où la bombe est tombée sur Hiroshima et sa famille jusqu'en 1955 environ. Le premier des dix tomes de la série, sortis en 1973-74, se déroule en grande partie avant le jour fatidique du 6 août 1945. Après avoir développé les souffrances de la population face au militarisme et aux bombardements incessants, l'explosion fait basculer dans l'horreur absolue. Les 50 dernières pages se lisent comme dans un mauvais rêve ; l'aspect naïf du dessin rend les visions des atroces conséquences de cette bombe quasi-hallucinatoires. La représentation de l'apocalypse nucléaire s'appuie sur la grammaire de la bande dessinée. Le bruit assourdissant est rendu par des onomatopées et le graphisme tremblé des caractères majuscules. La bulle se limite à un commentaire laconique. La précision des chiffres tient à évacuer tout ce qui pourrait rendre le témoignage subjectif. Le souffle effroyable de l'explosion est représenté par des traînées de vitesses. Le jeu sur les contrastes les rend plus violentes encore. Le rythme du récit s'arrête. Des changements d'échelle et d'angles de vue donnent à voir plusieurs aspects tragiques d'une même réalité. Dans les deux dernières vignettes, le vol, tranquille, du bombardier Enola Gay, sa tâche accomplie s'oppose à la fureur et la violence du reste des deux planches. |

La mémoire de cet événement est compliquée depuis 1945. Interdits de s'exprimer par l'occupant américain, mis à l'écart, les survivants (« hibakusha ») sont considérés aujourd'hui comme des témoins.
On trouve à Hiroshima un musée d'art moderne où sont exposées toutes les œuvres d'art portant sur les bombardements atomiques. Certains artistes sont récompensés par un « Prix d'Hiroshima ». De nombreux poèmes classiques japonais (tanka et haiku) sont d'autres témoignages.
Keiji Nakazawa évoque de manière autobiographique sa vie de 1945, depuis le jour où la bombe est tombé sur Hiroshima et sa famille jusqu'en 1955 environ. Sortis en 1973-1974 au Japon, les 10 volumes de cette série sont un témoignage majeur sur les conséquences de la bombe sur la population japonaise, que ce soit d'un point de vue physique que moral ou politique.
Un contexte historique particulier : la guerre froide.
Deux blocs, dominés respectivement par les États-Unis et l'URSS s'opposent sans s'affronter directement à partir de 1947. Si les États-Unis ont utilisé la bombe atomique en 1945, l'URSS maîtrise cette technologie en 1947. Le monde est paralysé par la peur d'une apocalypse nucléaire en cas de conflit. Elle est envisagée à plusieurs reprises au cours des années 1950 et 1960. Pendant la guerre de Corée, le général Mac Arthur préconise l'emploi de l'arme atomique pour bombarder les bases arrières chinoises des forces coréennes du Nord. Il est désavoué et remplacé par le général Ridgway. En octobre 1962, pendant 13 jours le monde vécut une période de danger extrême au cours de laquelle le risque atomique fut évoqué. Des rampes de lancement de missiles soviétiques furent découvertes à Cuba par les forces militaires américaines. Après les menaces et la mobilisation de troupes, les belligérants s'entendent pour privilégier la sortie de crise diplomatique : retrait des missiles contre promesse de non-invasion de Cuba. Dans les deux cas, dans l'opinion publique, l'incrédulité cède le pas à l'angoisse. Cette atmosphère tendue influence la création d'artistes : Krysztof Penderecki en Pologne ou Stan Lee et Jack Kirby, créateur du personnage de comics Hulk en 1962. Le personnage créé, Hulk, amène à s'interroger sur la maîtrise de la science par les militaires. Il est possible de créer un homme qui n'est plus un homme, ainsi que le pose la question « Is he a man or a monster ? » |
