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20 Janequin - La bataille

FondamentalLa Renaissance

La Renaissance est une période importante de bouleversements après dix siècles de Moyen-âge. Elle prend place schématiquement de la fin du XVe siècle jusqu'à la fin du XVIe siècle et se caractérise entre autres par un travail autour de la polyphonie et de l'écriture pour l'instrument. La polyphonie, surtout vocale, devient ainsi plus complexe (jeu sur les départs successifs, les imitations entre les voix qui se répondent, alternance homorythmie[2]/contrepoint[3]...) et est le plus souvent interprétée a cappella (si les voix sont accompagnées par des instruments, ceux-ci ne font que doubler la mélodie des parties chantées à l'unisson avec celles-ci).

Clément Janequin (env.1485 - 1558)

Portrait de Clément Janequin

Clément JANEQUIN (XVIe siècle) est un compositeur français dont la renommée repose en grande partie sur ses chansons polyphoniques descriptives parmi lesquelles on compte Le Chant des Oyseaux et Les Cris de Paris.

Le Chant des Oyseaux
Les Cris de Paris

Par de nombreuses trouvailles musicales, et une étude raffinée du mot et de son rythme, le compositeur s'attache à traduire l'action du texte au plus près de la nature des choses. Il introduit ainsi le premier l'idée des bruits transcrits en onomatopées.

Analyse

Cette œuvre est une chanson polyphonique[4] (répertoire profane) à 4 voix a cappella[5], de type narratif (récit d'un événement), descriptif et imitatif (imitation en onomatopées des sons de la bataille).

Éléments sur l’œuvre :

- Genre : chanson polyphonique (se distingue du madrigal notamment par les paroles en français (alors que le madrigal est composé sur un texte en italien)

- Contexte historique : retrace le déroulement de la célèbre bataille de Marignan menée en 1515 par François Ier contre les Milanais et leurs troupes suisses lors de la campagne d'Italie.

- Répertoire : savant / profane

- Formation : Il s'agit ici en fait d'un quatuor de solistes a cappella

- Texte : Vieux français (certains mots de la partie en onomatopées transcrivent ce que Janequin avait compris du jargon des troupes suisses sans en parler un traître mot d'où un sens qui peut aujourd'hui nous échapper. Ainsi les derniers mots de l’œuvre disent par exemple : "frelore bigot" qui aurait dû être écrit ainsi "verloren bei Gott", afin de traduire les propos des troupes suisses criant leur défaite ("perdu par Dieu").

- Principe d'écriture :

polyphonie en contrepoint[3] (avec les voix décalées) utilisant les procédés suivants :

  • des départs en imitation (évocation de l'appel à la bataille sonné habituellement par les trompettes et exécuté ici par les voix en entrées successives)

Entrées successives du début
  • des associations des voix par deux (= principe du bicinium[6]) et qui se répondent (riposte entre les deux armées)

Dialogue en bicinium
  • de la superposition des voix en polytextualité (= mélange de plusieurs textes aux différentes voix pour imager le fouillis des armes et des cris)

Onomatopées et polytextualité imageant le fouillis de la bataille

Forme : deux grandes parties de type narratif et descriptif

Prima Pars : présentation de l'événement et des combattants

Escoutez, tous gentilz Galloys,

La victoire du noble roy Françoys.

Et orrez, si bien escoutez,

Des coups ruez de tous costez.

Phiffres, soufflez,Frappez.

Tambours toujours !

Aventuriers, bons compagnons,

Ensemble croisez vos bastons.

Bendez soudain, gentils Gascons.

Nobles, sautez dans les arçons,

La lance au poing hardiz et prompts,

Comme lyons !

Haquebutiers, faites vos sons !

Armes bouclez, frisques mignons.

Donnez dedans! Frappez dedans!

Alarme, alarme.

Soyez hardiz, en joye mis.

Chacun s'assaisonne,

La fleur de lys,

Fleur de haut pris,

Y est en personne.

Suivez Françoys,

Le roy Françoys,

Suivez la couronne!

Sonnez trompettes et clarons,

Pour resjouyr les compagnons.

dessin d'un joueur de fifre et de tambour.
"Fifres, soufflez, frappez, tambours"
dessin d'un arquebusier
Arquebusier

Secunda Pars : mise en scène sonore de la bataille avec des onomatopées imitant les bruits du combat)

Fan fre le le,

Fan fan feyne,

Fa ri ra ri ra,

A l'étendard,

Tous avant,

Boutez selle,

Gens d'armes à cheval,

Frere le le fan fan.

Bruyez, tonnez,

Bombardes et canons,

Tonnez gros couteaux et faulcons,

Pour secourir les compagnons.

Von pa ti pa toc,

Ta ri ra ri ra ri ra reyne,

Pon, pon, pon, pon,

Courage, courage,

Donnez des horions.

Chipe, chope, torche, lorgne,

Pa ti pa toc,

Tric, trac zin zin,

Tue! à mort ; serre,

Courage prenez,

Frappez, tuez.

Gentils galants, soyez vaillants,

Frappez dessus, ruez dessus,

Fers émolus, chiques dessus,

Alarme, alarme !

Ils sont confus, ils sont perdus,

Ils montrent les talons.

Escampe toute frelore,

La tintelore,

Ils sont défait.

Victoire au noble roy Françoys,

Escampe toute frelore bigot.

ComplémentEn écouter plus

Voici une transcription instrumentale de l’œuvre de Cl. Janequin, signe d'une époque où le répertoire instrumental s'appuie encore sur le répertoire vocal pour développer son langage en fonction de sa technique.

Pavane La Bataille (1551) de Tielman Susato

Autre bataille de la même époque transcrite dans une œuvre vocale : la Prise de Calais.

La Prise de Calais -Hardi Françoys (1559) de G. Costeley

Écoutons à présent deux autres chansons polyphoniques[7] de compositeurs ayant vécu à la même époque que Cl. Janequin :

Il est bel et bon (XVIe) de Pierre Passereau
Une puce j'ay dedans l'oreille (1530) de Claude Lejeune
  1. La Bataille de Marignan - Cl. Janequin
    Extrait_20
  2. Homorythmie

    (successif et simultané) jouer le même rythme en même temps (≠ polyrythmie). On parle alors d'écriture verticale.

  3. Contrepoint

    (successif et simultané) art de composer la musique en superposant plusieurs mélodies de façon décalée. On parle alors d'écriture horizontale.

  4. Polyphonie

    Composition musicale à plusieurs voix. Polyphonie s'oppose à monodie.

  5. A cappella

    (autre orthographe possible a capella) : (timbre) musique chantée à voix nue, c'est-à-dire sans accompagnement instrumental.

  6. Bicinium

    (style) terme musical qui désigne un procédé d'écriture associant par deux les voix d'une polyphonie à au moins 4 voix.

  7. Chanson Polyphonique

    Genre représentatif de la Renaissance française, la chanson polyphonique prend source dans la musique vocale profane du Moyen-Age.

    Au XVIème siècle, les chansons polyphoniques sont écrites le plus souvent toujours pour 4 voix mixtes a cappella.

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