Rappel : Extrait n°12
Fondamental : le Style moderne
Le style moderne se définit comme un moment de rupture et de bouleversement des valeurs artistiques entre la fin du Romantisme et le début de l'ère contemporaine. Cela correspond schématiquement à la 1ère moitié du XXe siècle (jusqu'à la fin de la 2nde Guerre Mondiale). C'est l'époque du jazz, du café-concert, de la musique bruitiste, des premières recherches électro-acoustiques (musique concrète)... Les Surréalistes font leur révolution en introduisant l'Inconscient comme moteur de création. C'est donc dans cette époque de grande originalité que s'inscrit le plus déconcertant de tous : Erik Satie.
Erik Satie (1866 - 1925)
![]() | Erik SATIE naît à Honfleur, en Normandie et, après avoir rejeté le monde académique du conservatoire et celui non moins contraint de l'armée, s'installe à Montmartre (Paris), lieu privilégié de l'activité artistique en ce tournant du XXe siècle. Avec Jean Cocteau, il sera la figure de proue du Groupe des Six réunissant Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre, la seule femme du groupe. A la fois humoriste et précurseur extravagant, il met son excentricité au service d'une musique aux titres parfois étranges (Préludes pour un chien flasque, Trois Morceaux en forme de poires, Embryons desséchés) et qui, tout en réclamant la discrétion, n'en fait pas moins parfois scandale, tel que le fameux ballet Parade monté avec Jean Cocteau sur des décors de Pablo Picasso et qui intègre à l'instrumentarium des sirènes, un revolver et une machine à écrire ! Avec Arthur Milhaud, il invente la "Musique d'ameublement", traduisant aussi, et contre toute attente, son goût pour la discrétion et l'humilité : "Nous vous prions de ne pas y attacher d'importance et d'agir pendant l'entracte comme si elle n'existait pas". Son œuvre est un défi à ceux qui vantent la complexité comme seule garante de la qualité artistique. |
Analyse
Éléments sur l'œuvre :
- Répertoire : populaire / profane
- Formation : voix soliste accompagnée par un piano
- Principe d'écriture (éléments définissant l'appartenance au style moderne) :
- œuvre courte et concise
- simplicité de l'écriture et économie de moyens
- piano dans un style proche de ce que sera le piano stride en jazz (voir "en écouter plus" n°3 ci-dessous)
-accords enrichis
- Forme : couplet / refrain[2] (Allons-y Chochotte, chochotte...)
- Genre : chanson
Il s'agit donc d'une chanson de 1905 pour voix et piano, composée sur un texte du parolier D. Durante.
Cette chanson, de tournure frivole, fait référence à la production de type cabaret qu'Erik Satie a ensuite réfutée comme ne correspondant pas à sa vraie nature. Cependant, l'ensemble en est plaisant et illustre bien également l'atmosphère d'une époque en pleine effervescence et légèreté.
Lorsque je vis Chochotte, Elle me plut carrément ; J'lui dis: “Êtes-vous mascotte ?” “Mais monsieur certainement.” “Alors sans plus attendre Je veux être votre époux.” Elle répond d'un air tendre : “Je veux bien être à vous, Mais pour cela, il vous faudra Demander ma main à papa.“
Allons-y Chochotte, Chochotte... Allons-y Chochotte, Chochotte allons-y.
Le soir du mariage, Une fois rentrés chez nous, J'prends la fleur de son corsage Je fourre mon nez partout. ”Alors” me dit ma femme, “Avant tout écoute-moi J'vais couronner ta flamme. Puisque tu m'aimes, prends-moi. Mais pour cela il te faudra Ne pas m'chatouiller sous le bras.”
Allons-y Chochotte, Chochotte, Allons-y Chochotte
V'là qu'au moment d'bien faire, On entend sur l'boul'vard Un refrain populaire Et comme un bruit d'pétards C'est une sérénade Que donn't en notre honneur Un' band de camarades Qui travaillent tous en chœur, S'accompagnant des instruments En carton, à cordes, à vent.
Allons-y Chochotte...
Le lendemain, Chochotte Me dit : “Mon p'tit Albert, J'veux un fils qui dégote Mozart et Meyerbeer. Pour en faire un prix de Rome T'achèteras un phono Que tu r'mont'ras mon petit homme Au moment psycholo et l'on march'ra De ce moment là, comme ton cylindre L'indiquera.
Allons-y Chochotte, Chochotte...
Neuf mois après, Chochotte Me rend papa d'un garçon. “Ah !,” s'écrie “Saperlotte !” La sag'femme “Que vois-j'donc ?” “Qu'avez-vous donc, Madame ? Pourquoi crier si haut ?” Lui demanda ma femme. „N'a-t-il pas tout ce qu'il faut ?“ “Oui, mais voilà, on peut lir'là Sur son p'tit nombril c'refrain-là :
Allons-y Chochotte, Chochotte. Allons-y Chochotte, Chochotte allons-y ! |
Dans cette œuvre, le travail du chanteur est important car les différentes intonations qu'il va donner à sa voix vont permettre de faire vivre les personnages de l'histoire.
Ainsi, au cours du paragraphe évoquant le "phono[3]", le baryton fait entendre le conteur, puis Chochotte et finit par prendre un ton nasillard pour illustrer le son déformé du phonographe évoqué par le biais du cylindre (voir vidéo ci-dessous).
Le piano utilisé pour ce type de répertoire est appelé "piano droit" car sa caisse de résonance est à la verticale (contrairement au piano à queue qui est à l'horizontal). |