de l'Ars Subtilior (fin XIVe) aux recherches humanistes (XVIe)
L'Ars Subtilior est un style musical transitoire entre la fin du Moyen-âge et le début de la Renaissance, juste avant l'arrivée de l’École franco-flamande.
On y note une attention particulière portée au graphisme alors même que l'invention de l'imprimerie par Gütenberg en 1440 est sur le point de révolutionner la diffusion du savoir.
Certaines partitions, particulièrement remarquables, y sont travaillées de façon à mettre en relation directe la forme du graphisme et l'expression qu'elle traduit.
Partitions de Baude CORDIER (1380 - env 1440) : Belle, bonne et sage on notera la présentation des partitions à l'image des sujets traités par la musique ainsi que la forme de celle-ci en relation avec ladite image. |
Tout par compas Cette œuvre vocale a cappella est un canon perpétuel qui revient trois fois à son début, comme la pointe d'un compas traçant un cercle. |
Au XVIe siècle, alors que l'Italie assure son rayonnement par l'Art (peinture en quête de la perspective, et travaillant avec la sculpture sur les proportions du corps humain), que l'Espagne et le Portugal conquièrent le monde par l'ouest, la France se distingue entre autres par les poètes de la fameuse Pléiade tandis que François 1er décide que le français devient la langue officielle et administrative du pays. De même, les académies italiennes étudient à l'unisson avec ces artistes la meilleure façon de mettre l'Homme au centre de toute chose (selon la devise antique de Protagoras remise au goût du jour).
Groupe de la Pléiade
Joachim DU BELLAY (un des poètes, avec Ronsard, à l'origine du groupe de la Pléiade) - Les Antiquités de Rome (1558)
Que n'ai-je encor la harpe thracienne,
Pour réveiller de l'enfer paresseux
Ces vieux Césars, et les ombres de ceux
Qui ont bâti cette ville ancienne ?
Ou que n'ai-je celle amphionienne,
Pour animer d'un accord plus heureux
De ces vieux murs les ossements pierreux,
Et restaurer la gloire ausonienne ?
Puissè-je au moins d'un pinceau plus agile,
Sur le patron de quelque grand Virgile
De ces palais les portraits façonner,
J'entreprendrais, vu l'ardeur qui m'allume,
De rebâtir au compas de la plume
Ce que les mains ne peuvent façonner
Le courant humaniste
Tel que Rabelais l'exprime dans son Pantagruel, le savoir est une conquête nécessaire et essentiel. C'est le courant humaniste.
François RABELAIS (1494-1553) - Pantagruel (1532)
chapitre VIII
[...] Maintenant toutes les disciplines sont restaurées, les langues mises à l'honneur : le grec, sans lequel il est honteux qu'on se dise savant, l'hébreu, le chaldéen, le latin. Des livres imprimés, fort élégants et corrects, sont utilisés partout, qui ont été inventés à mon époque par inspiration divine, comme inversement l'artillerie l'a été par suggestion du diable. Le monde entier est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de bibliothèques très vastes, au point qu'à l'époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien, il n'y avait, à mon avis, autant de commodité d'étude qu'il s'en rencontre aujourd'hui; et il ne faudra plus dorénavant trouver en lieu et compagnie qui ne sera bien poli dans l'atelier de Minerve. Je vois les brigands, les bourreaux, les aventuriers, les palefreniers d'aujourd'hui plus savants que les docteurs et les prêcheurs de mon temps. Que dirai-je ? Les femmes et les filles elles-mêmes ont aspiré à cette gloire, à cette manne céleste du beau savoir. Tant et si bien qu'à mon âge, j'ai été contraint d'apprendre le grec, que je n'avais pas méprisé comme Caton, mais que je n'avais pas eu le loisir d'apprendre en ma jeunesse, et je me délecte volontiers à la lecture des Œuvres morales de Plutarque, des beaux Dialogues de Platon, des Monuments de Pausanias et des Antiquités d'Athénée, attendant l'heure qu'il plaira à Dieu mon créateur de m'appeler et de m'ordonner de quitter cette terre.
Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter en étude et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon : l'un, par de vivantes leçons, l'autre par de louables exemples, peuvent bien t'éduquer. J'entends et veux que tu apprennes parfaitement les langues, d'abord le grec, comme le veut Quintilien, puis le latin et l'hébreu pour l'Écriture sainte, le chaldéen et l'arabe pour la même raison; pour le grec, forme ton style en imitant Platon, et Cicéron pour le latin. Qu'il n'y ait aucun fait historique que tu n'aies en mémoire, ce à quoi t'aidera la cosmographie établie par ceux qui ont traité le sujet. Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné le goût quand tu étais encore petit, à cinq ou six ans : continue et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie, mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice et l'art de Lulle qui ne sont que tromperies et futilités. Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et me les commentes avec sagesse. Quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t'y appliques avec soin : qu'il n'y ait mer, rivière ou source dont tu ne connaisses les poissons; tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du Midi. Que rien ne te soit inconnu [...]
Vers le baroque
Par son langage raffiné, la poésie est ainsi l'un des genres dominants de l'expression artistique humaine, laquelle alimentera les rapprochements entre musique et sens du mot. C'est ainsi que naîtra le 1er opéra avec le retour à la mélodie accompagnée à l'aube de l'ère suivante : le baroque.